Cette sculpture en bois, intitulée Daphnée et datée de 1955, constitue l’un des témoignages les plus éloquents du talent de l’artiste alsacien Alfred Pauli, dont l’art se situe à la croisée du symbolisme naturaliste et de la tradition humaniste régionale. Inspirée du mythe antique d’Apollon et Daphné, la figure féminine saisit le moment de la métamorphose, où la nymphe, fuyant l’étreinte du dieu, se change en laurier.
Pauli choisit de traiter ce thème avec une intensité plastique remarquable : le corps nu de Daphnée, sculpté dans une essence chaude et veinée, émerge d’un tronc encore vivant, tandis que la chevelure se prolonge en feuillage ciselé, fusion parfaite entre chair et nature. La position du modèle, élancée et sinueuse, traduit une tension dramatique entre mouvement et immobilité — entre la pulsion vitale et la résignation minérale. Le geste des bras, levés au-dessus de la tête, exprime à la fois la pudeur et la transformation : les mains se perdent dans la frondaison naissante, symbole du passage de l’humain au végétal.
La surface du bois, travaillée avec une patine subtile, alterne zones polies et parties plus rugueuses, accentuant la dualité entre la douceur de la peau et la texture organique de l’écorce. Pauli manifeste ici une maîtrise du volume et du grain typique de la sculpture alsacienne d’après-guerre, héritière à la fois de la statuaire populaire et de la rigueur formelle des arts décoratifs de l’entre-deux-guerres.
Dans cette Daphnée, Alfred Pauli renouvelle le mythe antique en lui conférant une portée symbolique moderne : la métamorphose devient métaphore de l’âme humaine, aspirant à la liberté dans un monde de contraintes. La figure, à la fois terrestre et spirituelle, exprime une profonde harmonie entre l’homme et la nature — un thème essentiel de l’esthétique chez l'artiste. L’œuvre se distingue par son équilibre entre sensualité et spiritualité, entre la tradition artisanale et la sensibilité poétique.