Charles Spindler

Cette œuvre caractéristique de la maturité poétique de Spindler s’inscrit pleinement dans le mouvement de redécouverte identitaire et esthétique de l’Alsace au tournant du XXᵉ siècle, à la croisée du naturalisme tardif, de l’Art nouveau et d’un régionalisme sublimé. L’artiste représente ici une jeune femme en costume traditionnel alsacien, posée à mi-corps derrière une barrière de jardin, dans une attitude de douce introspection plutôt que de représentation frontale. La coiffe monumentale aux plis larges, ornée de motifs floraux stylisés, est traitée avec une élégance décorative typique de Spindler, mêlant exactitude ethnographique et licence poétique.

La végétation en arrière-plan, aux nuances mauves et rose lilas, n’est pas un paysage réaliste mais un fond délibérément orchestré comme une tapisserie végétale — presque japonisante dans l’économie de ses masses colorées. Le modelé très subtil du visage, d’une grande retenue psychologique, se distingue de la stylisation plus décorative du vêtement et du décor : Spindler ne tombe ni dans l’anecdote folklorique, ni dans la froide typologie, mais atteint une forme de lyrisme contenu, à la frontière de l’intime et du symbolique.

L’ensemble dégage une aura de nostalgie lumineuse, où la tradition populaire n’est pas documentée mais rêvée, recomposée — fidèle à la quête de l’artiste : élever l’âme alsacienne au rang d’icône poétique.