Provenance :
- collection privée, Alsace.
Encore une image de l’Alsace éternelle et immémorielle, qui n’est pas aussi simple qu’on voudrait le dire. Premièrement, nous avons devant nous une esquisse très élaborée. Elle montre à la fois la technique de Charles Spindler et la preuve de sa dextérité. Sa technique assez sommaire, exige pourtant une sérieuse adresse. Quelques vagues traits suggèrent par exemple un avant-bras, une épaulette. Il ne lui fallait pas grand-chose pour pouvoir exprimer un geste, un je ne sais quoi. C’est cela aussi le grand talent, que nous trouvons indéniable chez des artistes comme Jean-Honoré Fragonard, Franz Hals ou Claude Monet. Quelques traits doivent déjà pouvoir souligner quelque chose. Puis vient la dextérité, la mesure du trait, du dégradé. Comment parvenir et appuyer le crayon ou le pinceau pour en un seul trait respecter la proportion, marquer une ombre ou mouvement. Cela paraît de prime abord très facile. Mais les idiots face à la feuille blanche, tremblent comme des feuilles … Savoir poser un trait juste et utile est une science de l’observation et une technique d’acquisition très longue, faite à base d’exercices et de rigueur. Nous sommes face à une œuvre inachevée mais fougueuse et fraîche.
Mais passons les aspects purement techniques pour verser dans le sujet qui nous interpelle : cette alsacienne de profil. L’Alsacienne est un sujet travaillé et recomposé par Spindler. Il en fait une spécialité au point de créer un débouché non seulement pour lui-même, mais aussi pour sa génération d’artistes et celles d’après. Quel génie d’avoir identifié avec brio que cette effigie du monde rural alsacien, allait devenir l’icône, l’incarnation de l’Alsace. Et de nos jours, la statue est toujours bien fixée sur son socle. Spindler scrutait l’Alsace, parcourait les villages à la recherche des costumes, des objets de folklore. Il finira par fonder un Musée dédié au patrimoine rural. Et il illustrera la bible du costume dans l’ouvrage intitulé « Costumes et coutumes d’Alsace » dont les textes furent écrits par son mécène et ami Anselme Laugel. Nul autre artiste ne connaissait mieux le sujet.
Le fond importe peu, nous devinons un vague paysage sans doute automnal mais rien n’est moins sûr. En revanche, nous décelons avec aisance un visage rondouillard, aux joues rosées et à la physionomie sûre. Cette alsacienne est dans un costume classique avec la coiffe noire, et le tablier bleu (à vérifier). Le cadrage nous suggère l’invitation que l’artiste a dû faire. La pose peut nous paraître raide, voire austère, mais il n'en est rien, car il s’agit d’une authentique paysanne alsacienne, qui ne devait pas avoir l’habitude d’une telle sollicitation et encore moins avoir son portrait peint par un artiste. Les préoccupations de ce type étaient encore en ce temps-là celle de la bourgeoisie. Spindler s’était également équipé d’un appareil photographique. De son immense travail ethnographique, un ouvrage a pu être publié. A travers les pages de l’ouvrage, nous admirions ces femmes et ces hommes d’un autre temps, celui du travail laborieux, celui de la simplicité villageoise. Ces gens étaient authentiques dans tous les aspects de leurs vies. Ce monde rural que Spindler a découvert, puis a encensé, était un monde façonné par les rites et les légendes. Pour retrouver cet esprit de l’humanité, les journalistes repoussent toujours plus loin leurs reportages pour nous montrer ce que nous avons perdu.
Condition : Cadre du XIXe siècle en bois naturel avec un verre antireflet.