Léo Schnug

Provenance :
- M. Fernand ROMINGER, antiquaire à Strasbourg
- collection M. B., Strasbourg (acquis le 16 mai 1987)
- puis, collection privée, Strasbourg (reçu auprès du précédent)



Dans cette composition vigoureuse et profondément habitée, Léo Schnug livre une interprétation héroïque du général Jean-Baptiste Kléber, grande figure militaire originaire de Strasbourg et symbole d’un patriotisme alsacien que l’artiste n’a cessé de célébrer. Réalisée probablement dans les années de pleine maturité de Schnug, l’œuvre témoigne de sa capacité rare à conjuguer exaltation historique, intensité dramatique et liberté picturale.

La figure de Kléber est saisie en profil triomphant, comme sculptée par un éclair de lumière. Le visage, traité par touches nerveuses et épaisses, semble émerger d’une tourmente chromatique où dominent les bleus profonds, les verts anthracites et les rehauts rouges. Cet usage expressif de la couleur — typique de Schnug dans ses œuvres les plus spontanées — confère au portrait une vibration presque musicale, rendant compte de la force intérieure du personnage plus que de son exactitude descriptive.

Le tricorne monumental, surmonté de son panache cramoisi, occupe une place centrale et devient une sorte d’auréole guerrière. Schnug exalte l’emblème du chef militaire : le large chapeau, traité en épaisse matière picturale, s’impose comme symbole d’autorité et de courage. Le rouge ardent du panache répond aux touches sanglées du visage, évoquant à la fois la gloire, le feu des batailles et la fougue de l’épopée révolutionnaire.

La gestuelle picturale, d’une liberté proche de la peinture d’histoire romantique, situe ce portrait dans une veine qui n’est pas sans rappeler le souffle épique d’un Meissonier pour la précision militaire mais traduit avec l'emportement fiévreux et presque expressionniste propre à Schnug. Ses coups de brosse rapides et striés, laissés volontairement apparents, créent une dynamique tourbillonnante qui semble envelopper Kléber d’un mouvement d’assaut.

Au premier plan, la garde du sabre, rendue avec vigueur et rehaussée de quelques signes calligraphiques, ancre la figure dans son rôle de commandement. Schnug ne cherche pas ici la stricte reconstitution historique : il préfère condenser l’âme du héros, l’incarner par une synthèse de signes, de couleurs et de rythmes plutôt que par un portrait académique.

L’ensemble témoigne d’une rareté iconographique chez Schnug, davantage connu pour ses illustrations médiévales et ses compositions chevaleresques. La représentation d’une figure historique moderne, surtout militaire, apparaît comme une incursion singulière dans son corpus, d’autant plus précieuse qu’elle associe son goût narratif à une facture picturale libérée, presque visionnaire.

Ainsi, cette huile marouflée sur panneau constitue un témoignage exceptionnel du génie expressif de Léo Schnug : une œuvre où l’histoire s’embrase, où l’héroïsme se transmue en poésie picturale, et où le général Kléber, fils illustre de l’Alsace, est célébré avec une intensité dramatique et un souffle plastique qui n'appartiennent qu’à l’artiste.



Information(s) supplémentaire(s) : Format avec son cadre : 58x47cm