Cette huile sur isorel de Luc Hueber, réalisée dans l’immédiat après-guerre, représente une vue urbaine de Strasbourg, avec à droite la silhouette immédiatement reconnaissable de l’église Saint-Pierre-le-Jeune. Comme souvent chez l’artiste, il ne s’agit pas d’une transcription topographique littérale, mais d’une évocation atmosphérique, méditative, du cœur historique de la ville.
La scène se déploie dans une lumière assourdie, typiquement automnale, où les tonalités feutrées de bruns, d’ocre, de verts sourds et de gris argentés construisent un climat intime, presque suspendu. Au centre, une colonne d’affichage bariolée constelle l’espace de touches franches — rouge, jaune, bleu — comme une irruption moderne au cœur d’un espace séculaire, pivot visuel et presque manifeste pictural dans l’économie de la toile.
Hueber y dévoile la pleine maturité de sa manière : un empâtement nerveux et vibrant, hérité d’un post-impressionnisme transfiguré par l’intériorité, où la matière picturale fait vivre l’air, les pierres, les arbres effeuillés. Le motif urbain, loin du pittoresque, devient mémoire incarnée — un Strasbourg ressenti plus que décrit, à la frontière du visible et du souvenir.
Cette œuvre compte parmi celles où Hueber parvient le mieux à conjuguer ancrage régional, modernité picturale et poésie intérieure : une ville réelle, mais transfigurée par la peinture — presque un chant silencieux dédié à Saint-Pierre-le-Jeune.
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